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Le Réel de la Mort

Bof ! La déprime nous avait pris. Un coup bien monté. Notre vie au quotidien, c'était une traversée dure. L'avent, la Noël, le Nouvel An . On se retrouvait seul. La destinée n'en démordait pas pour autant. Elle n'aurait point lâché prise. Bref, nous avons tout à fait vécu une très mauvaise passe.

La mort, vue de près nous marque pour toujours d'une flétrissure indélébile. De même, la disparition de quiconque, d'un ami, d'un proche fait ouvrir un gouffre au néant à travers duquel nous nous rapprochons de l'infini. Ainsi, l'infini creusera à chaque instant une fosse qui fera enfin le divorce définitif de tout ce que l'on eût jamais aimé. C'est la mort qui procédera de telle façon à couper notre chair à vif, nous rouvrant à maintes reprises cette plaie saignante même que nous eussent reçu dès qu'Adam eût eu commis ce même péché originel laissant nos âmes cicatrisé pour toujours. Par conséquent, la plaie restera béante malgré tout. Le gouffre que la disparition eût laissé ne se refermera à tout jamais. Pas de remède.

C'est là, la rupture du réel. La rupture qui fait craquer la conscience de la réalité. Elle la trouble, cette profonde fissure au rebouchage de laquelle personne ne réussira. Une faille du réel qui nous troublera l'aperçu de la réalité autant que nous nous accrocherons à ce monde. La mort s'abatte sur nous tel le lion qui lacère les flancs de l'agneau. Tous s'écroule. La réalité de ce monde nous affronte de face. Nous accable. Tous semble disparaître dans ce gouffre. Tous s'y engouffre. L'amour du Dieu même paraît sombrer dans les ténèbres. Tel un noir éboulement, cette même terre dont on comble les tombes, nous atterra. Nous pèse telle l'aile noir de l'ange déchu qui nous semble rattraper de ses griffes acérées. Cet ange vêtu de noir de la mort qui nous opprime. C'est l'éclipse totale. Tout va s'éclipser. Toute espérance s'évanouit ainsi qu'une fumée. La peste de la mort nous étouffe. Dieu même semble nous abandonner. Le frisson de la mort nous saisit. Plus d'amour. Pas de certitude, ni d'infaillibilité. La faille restera. La fétide fosse perdurera, impossible de la combler. Par-delà de ce gouffre, nous perçoivent le pâle visage de la mort à nous. On verra la mort de face telle qu'elle est : à face humaine. La mort, elle nous ressemble à tous. La mort, c'est l'ultime fissuration dans la perception du réel rompu. Rompu au point que l'aperçu de la réalité nous échappe. Une Rupture au point de faire réfracter les rayons de la vérité dans notre vue. La perte de réalité, c'est un éternel divorce qui se perpétue dans nos vies. C'est parti. De là, nos erreurs. De là, le malentendu qui s'ingère à priori dans tous nos propos. Ce malentendu a une prépondérance dans toutes nos action. Il est inhérent dans toute perception. Il pèse sur notre conscience. Il s'impose sur nos expériences.

A l'expérience de la mort d'un proche suit l'expérience de l'abandon. On est à la merci des administrations. Sécurité sociale, assurances, caisse de retrait, la fiscalité, tous s'abattent sur la proie. Comme les vautours de Zoroastre. Puis, les vapes. La réalité que l'on est tout prêt à faire disparaître, se cache aussitôt derrière la grisaille d'un quotidien qui nous pousse plutôt que l'on y agisse délibérément. C'est plutôt une inaction agitée. On s'y enraie. On s'immobilise dans un cruel automatisme. Les faire-parts, les funérailles, les factures et les démarche administratives. On s'occupe au point de tous oublier. Somme toute, on s'y perd dans le train-train du quotidien. Quand même, c'est qui reste c'est la déprime à fleur même de la folie. On a du voir les aspects glauques de la vie. L'ultime départ. La mort. Malgré tout, l'implacable progrès de ce que l'on appelle « la vie ». Après tout, on est tout ankylosé au centre d'un monde qui pourtant bougera. On restera immobilisé dans l'ensemble de ces monades agitées qui ne s'arrêteront point, qui ne cessent guère d'avancer, qui continuent à bouger.

Enfin, la Noël. L'extrême solitude. La retombée du passé. Plus de retrouvailles familiales. Puis, les lourdes pensées lugubres rejaillissent sur l'auteur même de ces pensées l'accablant tout d'un coup d'une couche boueuses d'immondices ineffable d'une âme pécheresse que l'on n'osera jamais énoncer. D'une âme qui ne cherchera rien que la rémission. Le trouble s'y met à saisir le dessus. Toute imagination s'arrête. Elle s'engouffre dans ce calme tourbillon troublant qui occupe le penser. Un tourbillon dont la rigide tranquillité nous force à faire face à l'éternelle épouvante. Ainsi, on se voit contrainte à affronter les affres de la mort. Les atroces de la vie. L'imagination se perd dans ce sombre somme hivernal qui nous rapproche aux confines de notre propre mort. C'est le gel. C'est le gel total. Rien ne bougera plus au-delà de ce sommeil. Un blafard soleil givrant enraie tout mouvement. Nos nacelles flottent sur le calme de l'anéantissement de nos vies. La détresse. Enfin, on se remet. Pau à peu. On jure, on injurie. Enfin, on sombre dans l'ignominie blasphématrice. On récrie toutes ses sentiments les plus ignobles. C'est une sourde iniquité qui en émerge. On conspue l'humanité. On bave d'une rage insensée. On se met a compisser tous et toutes des plus viles outrages. On inculpe Dieu du péché même que l'on est prêt à commettre à tout moment. On lui impute l'inaction. On lui reproche la douleur que l'on éprouve. On le blâme de tout. La peine, le chagrin. Pourquoi cette épreuve. A quoi bon ? A quelle fin la vie ? Le mal que l'on endure. Les maux dont on est atteint ? On lui attribue tout crime. Tout ignominie que l'humanité eût perpétré en son nom. N'est-ce lui qui aurait eu abandonné son fils ? N'aurait-il pas eût fait expulser l'homme du Paradis ? N'est-ce pas Dieu qui nous met à l'épreuve ? Nous fait souffrir ? N'est-ce lui le bourreau qui nous mets à l'épreuve tel ces implacables tortionnaires le font avec les cobayes dans leur laboratoires ?

Après tout, on reprendra du poile de la bête. On se remettra fléchant devant le fait en-soi. Le réel contradictoire de ce monde se révèle sous nos yeux. Quand on finira par accepter que le réel n'est qu'une rupture. Quand on admet enfin, qu'une profonde faille parcourt le monde tel quel est. Quand on approuve que la vie n'est rien d'autre qu'un long divorce de tout ce que l'on aime. Tout est rupture. Tout est contradiction. Tout est malentendu. Tout craque. Tout casse. Le monde, c'est la contradiction. La nature c'est l'équivoque. Une équivoque qui se poursuit jusqu'à ce que l'homme eût aperçu du verbe de Dieu. Ainsi, la Bible appartient au monde. A un monde qui a l'horreur de ce qu'elle verra. L'horreur de la réalité. A l'imbroglio d'un monde qui se refuse à reconnaître la réalité. Un refus qui n'est C'est le refus à l'amour de Dieu. C'est là le moment de s'assujettir à la réalité que l'homme eût oublié lors de la chute d'Adam. C'est l'homme qui eut l'horreur de soi-même. Incapable de reconnaître sa réalité. Sa nudité. Sa fragilité. Quand même Dieu n'en renoncera jamais de son éternel amour pour autant. C'est plutôt l'homme qui l'eût rejeté par horreur de soi-même. Par dégoût de ce qu'il avait aperçu à travers du tréfonds de son âme. L'homme se fût enchaîné. Il se fût réduit dans un état de minorité. Se fût cloîtré dans la geôle de sa propre peur de ce qu'il devrait affronter en se servant de son entendement. Par peur de faire usage de sa raison. Par peur de la réalité. L'homme se repliait. Il se recroquevillait. Il s'emprisonnait dans la geôle dont le pire geôlier était l'homme. Une prison dont nous sommes tous les préposés. Liés aux lourdes chaînes de sa prison, l'homme se blottit aux glaciales murailles de sa geôle plutôt qu'accueillir les douce rayons de l'amour de Dieu. Plutôt que se servir de son entendement, l'homme se soumit à son cerbère. Non, c'est nous, les gardiens de nos prisons. Tous ceux qui n'oseront pas fléchir devant un amour inconditionnellement offert à tous. Un amour rendu sans condition. Sans aucune réserve. Il n'est pas question de se soumettre sous une loi quelconque , ni sous aucun préceptes inventés. C'est tout à fait

du fond de nos geôles que sourd l'amour éternel de Dieu. Son amour s'y reflète dans la raison de l'esprit humain. C'est là où l'homme va à l'encontre de son créateur. En s'agenouillant devant l'amour de Dieu, l'homme reconnaît la réalité de sa propre condition d'individu intellectuel. C'est quand on se sert de son entendement lui offert par amour, que l'homme s'incline devant son Créateur. En reconnaissant la nature telle qu'elle est, l'homme admettra une fois pour toute l'amour. La nature, la rupture, la mort. L'entendement, c'est une gage de l'amour nous garantissant la perception de la vérité. C'est l'amour qui garantit toute science. La raison, c'est rien d'autre que l'amour de Dieu qui nous dévoilera tout. Nous révèle le réel de l'existence. Là se résout toute équivoque, toute contradiction. Là, la plaie guérira et le gouffre se refermera. Là enfin tout extrême convergera, les contraires, les opposés, tout se rapprochera dans l'amour. Sapere aude ! Ne restons plus dans la contrition où l'on se retrouve quand on verra la mort de face. Donc, abandonnons-nous à l'amour et la liberté où Dieu nous invita. Faisons donc ce que nous aimerons faire tant que l'on le fera dans l'amour de Dieu d'après Saint Augustin puisque « mon cœur est inquiet jusqu'à ce qu'il repose en toi, mon Seigneur » comme l'avait dit Thomas d'Aquin. Affrontons la réalité, assumons notre imperfection, nos vies, nos fautes et péchés pour mieux tolérer les défauts d'autrui. Bref, n'ayons plus peur de la liberté. Osons vivre.

© André & Frank Hagemann - Villa-Anemone.fr 2012