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La Mort
Approche au réel

Tout muet de l'étonnement que l'homme épreuve devant la nature, l'éternel silence de l'être humain qui est une fois lâché dans le monde en étant inévitablement lancé vers sa propre fin, enfin le perpétuel mutisme de l'âme qui doit inéluctablement assumer la vulnérabilité finale e sa nature et s'y soumettre pour enfin pouvoir transgresser et passer outre les apparences. De là découle toute science, tous arts aussi que la philosophie. Bref, s'ensuit toute conception que l'homme aie de ce monde. La nature seule ne porte rien d'artistique, de beau ou de divin en soi. Pourtant, cet étonnement initial produise en nous le sens du beau et de beauté. La nature incite notre curiosité. Nous y demeurons cois devant le miracle de la vie. Immobilisé devant l'énigme de la mort, surtout. La mort où tout concourra. Tout y retombe. Pris par un profond désespoir, un désemparement total face à l'infini. Peu importe la croyance. La mort, c'est l'ultime verdict rendu sur nos philosophies. Elle fait passer nos convictions et notre croyance au crible. Là, nous tous finirons par faillir. Pape ou paysan, païen ou pratiquant, croyant, libertin ou athée, sceptique et esprit fort, la rencontre avec la mort fait enfin surgir la vérité. La mort mis nos âmes à l'épreuve. Elle nous questionne où nous en sommes enfin avec nos croyances, nos convictions ? La mort reflète nos vies. Telle une psyché à travers de laquelle la mort nous fait apparaître l'image de nos âmes. Elle révèle nos peurs, nos appréhensions les plus inquiétantes. Elle nous dévoile le profond gouffre dont rejaillissent ce que nous cherchons à refouler aux recoins de nos âmes. On n'y entend que les creux échos de nos craintes. Les morts écrient les affres de la fin. Après tout, la mort n'est-elle pas la fin définitive qui mette au terme nos ambitions, nos espérances et amours ? N'est-elle pas la fin absolue du monde ?

Tu m'as enlevé la paix ;

Je ne connais plus le bonheur.

Et j'ai dit : Ma force est perdue,

Je n'ai plus d'espérance en l'Éternel !

Quand je pense à ma détresse et à ma misère,

À l'absinthe et au poison ;

Quand mon âme s'en souvient,

Elle est abattue au dedans de moi.

Voici ce que je veux repasser en mon coeur,

Ce qui me donnera de l'espérance.

Les bontés de l'Éternel ne sont pas épuisées,

Ses compassions ne sont pas à leur terme.

Tout de même, nous accompagnons ceux qui s'apprêtent à franchir le seuil de la mort. Qu'est-ce que ce passe ? Ne soit-il point le plus insensé de actions humaines dans ce monde que de rester auprès un mourant ? Fera-ce enfin sens de demeurer avec la famille d'un mourant ? La mort n'est-il pas la fin ? N'est-ce pas le néant qui nous attend ? Si ce n'est rien qui suivra à quoi servirais-t-il d'accompagner quiconque pendant qu'il part pour son dernier voyage qui finira au néant ? Ne est-t-il pas comme une étincelle d'espoir de voir quelqu'un soigner un mourant ? S'occuper d'un malade, l'accompagner jusqu'à la fin. Somme toute, c'est un geste rassurant qui évoque l'amour du Christ qui écoule infiniment de es plaies saignantes. Un geste qui reflète la bonté que le Christ eût épanché depuis la Croix. Un geste enfin qui rappelle le sacrifice d'amour même que le Christ offre à perpétuité par seule l'action de grâce. Mais, pourquoi ce sacrifice cruenté ? Pourquoi, fallait-il de ce sacrifice cruel pour nous racheter ? Un sacrifice humain. Une violence sans pareil. Un sacrifice primitif qui nous ramène au taurobole. C'est l'immersion dans le sang du taureau. Cela nous ramène aux débuts ténébreux de l'homme. Nous finissons par sombrer dans de flots de sang. Bon Dieu, je ne veux point de ce sacrifice. Je ne veux pas que quiconque meure pour mes péchés. J'y renoncerai. Je préférais réfuter tout sacrifice ...

Seigneur,

Je ne comprends pas la mort,

Même à la vue d'un mourant.

Je sais

Moi aussi, je mourrai.

Un jour ou l'autre.

Ou tout de suite.

Ta parole nous fait promesse de la vie éternelle,

À ceux qui mirent leur espérance en Toi.

Ça aussi, je ne comprends pas.

Quand même, j'aimerais tant espérer,

Je voudrais avoir confiance,

Je me peine à croire,

Je veux enfin vivre !

Seigneur, que ta volonté soit faite.

Le 19 novembre 2010 mon père est mort en pleine rue au Touquet. D'abord, rien qu'un vertige, mon père finit par s'effondrer dans nos bras. Il fît une malaise cardiaque. Une passante eût appelé le SAMU. Peu après, les premiers secours lui porté par une passante infirmière. Massage de cœur, l'usage du défibrillateur par les agents de police et les pompiers. Puis des longues minutes de réanimation oxygénée par le médecin. Cependant, toutes les précautions, tous les soins fussent enfin vains. Jeudi, 25 novembre 2010, l'incinération à Abbeville. Un triste cérémonie sans aucune assistance. Franck et moi, on était tout seul. Perdus dans la vaste halle. Pas de fleurs. Pas de cierges. Juste nous devant le cercueil austère. On devait se débrouiller. Il fallait enfin se repêcher du profond désespoir où nous faillissions de sombrer. Nous avons fait de nos mieux. Nous dîmes quelques prières du bréviaire. Quelques prières pour les défunts. Les textes des complies. Puis, un psaume me vint au sens. Je faillis m'évanouir. Je sentis la faiblesse du corps. La pâmoison. Frank me prit aux mains...

Comme l'eau je m'écoule

Et tous mes os se disloquent ;

Mon cœur est pareil à la cire,

Il fond au milieu de mes viscères ;

Mon palais est sec comme un tesson,

Et ma langue collée à ma mâchoire.

Tu me couches dans la poussière de la mort.

Des chiens nombreux me cernent,

Une bande de vauriens m'entoure ;

Comme pour déchiqueter mes mains et mes pieds.

Je peux compter tous mes os,

Les gens me voient, ils me regardent ;

Ils partagent entre eux mes habits

Et tirent au sort mon vêtement.

Ensuite, nous étions inondé par nos émotions. Malgré tout, on aurait dû faire les démarches nécessaires. Enfin, il nous fallait arranger les cérémonies religieuses en Allemagne. Heureusement, nos amis prêtres et pasteurs nous eussions beaucoup soutenu. Tout d'abord Claus je tiens à remercier Claus Dors, l'ancien curé de Kaldenkirchen, une ville près de la frontière hollandaise. Il était mon tuteur quand j'ai passé mon premier stage lors de mes études théologiques au séminaire à Bonn. Il nous eût porté tout son amitié, toute son affection, sa compassion. Puis, notre ami Hans-Werner Grebenstein, un pasteur retraité, et sa femme, Waltraud. Je n'arrive point à leur faire exprimer tout mon gré, toute la gratitude que je leur porte pour tout ce qu'ils eussent enfin fait pour mes parents. Il y deux ans, ce fussent les Grebenstein qui auraient entrés dans la chambre de ma mère juste à l'instant de sa mort à l'hôpital. Alors, nous priâmes ensemble avec eux au-delà de toute différence des confessions. Maintenant, je demandai à Hans-Werner de participer à la liturgie. Je connaissais assez bien Claus pour savoir qu'il donnât son assentiment. Quand même, la veille, Claus eût célébré une messe pour mon père. La cérémonie le lendemain, une simple et digne liturgie de la parole, était rassurante. Je connaissais l'église depuis longtemps. A l'origine, c'était un couvent des Brigittines. Aujourd'hui, c'est une église néo-gothique dont le style se présente plutôt austère. La décoration à été diminué en faveur d'une simple sobriété qui fait ressortir le triptyque de l'obscurité du chœur. Là, il s'agit d'un tableau du célèbre peintre Jean van Aachen, l'adoration des pasteurs.

A première vue, la scène dépeinte semble nous représenter la Sainte Crèche avec l'adoration des Pasteurs. L'étable, les animaux, le bœuf, l'âne, les pasteurs, la Sainte Famille, tout s'y retrouve dans sur la toile. Toute la scène paraît plutôt sombre. Évidemment, c'est la nuit. Les couleurs foncées accentuent la mystique de l'action qui se déroule sur scène sous nos yeux. Cependant, il y a d'emblée, quelque chose qui suscite une nette irritation. La conception de la perspective, en plus augmentée sous l'effet du jeu de la lumière et mise en évidence par les regards des personnages figurés, dirige la vue vers le centre du tableau. Là, c'est la crèche. L'enfant Jésus d'où semble reluire la lumière qui éclaire toute la scène. La lumière est encore renforcé par le fait que l'enfant ne repose pas dans la crèche mais sur un drap damassé. Ça c'est un vrai tape-à-l'oeil. De là éclate une splendeur éblouissante qui nous vise droit aux cœurs. De là s'explique l'interprétation de la scène. La lumière qui point de l'enfant éclaircit ce que se passe sur l'autel, la transsubstantiation du pain et du vin lors de l'eucharistie quand le prêtre récite ces paroles mêmes du Christ, que celui eût dit pendant le dernier repas où il a institué l'eucharistie, rappelant le perpétuel sacrifice propitiatoire, que le Christ offre infiniment pour tous ceux qui auraient mis leur espérance en lui, afin que le prêtre consacre en lui l'hostie et le vin qui deviennent le corps et le sang du Christ mort et ressuscité sous les espèces du pain et du vin ayant néanmoins changé de leurs substances. Ainsi, l'adoration des pasteurs nous montre le réel du sacrifice de la messe en nous figurant la merveille de l'amour que Dieu nous offre à chacun et chacune sans avoir égard à nos péchés, nos failles et nos échecs. À l'instant même quand le prêtre consacre les offrandes rappelant le sacrifice éternel du Christ lors du sacrifice de la messe le temps actuel, le passé et l'éternité coïncident en un seul moment de sorte que l'unique sacrifice du Christ s'est fait représenter à l'autel. L'amour de Dieu transfigura enfin toute violence de ce monde, toute cruauté à travers les siècles en amour par moyen l'originel sacrifice qui, en faisant anéantir la notion du temps, rassemble la nativité et le sacrifice ainsi que la naissance et la mort finiront par se confondre en un seul point instantané. Après tout, le temps, qu'est-ce que c'est ? Même, la physique moderne n'y sait pas répondre à cette question. Dans le journal « scientific america », mon père vient de lire un article révélant le dissentiment des sciences à ce sujet. Enfin, l'apparence des choses, à quoi elle ressemble quand les modèles de ce monde à partir des lois de la physique traditionnelle deviennent de plus en plus incertains ? Ne ressemblent-ils plutôt aux dogmes religieux ?

Au commencement était le Verbe

Et le Verbe était auprès de Dieu

Et le Verbe était Dieu.

Il était au commencement auprès de Dieu.

Tout fut par lui,

Et sans lui rien ne fut.

Ce qui fut en lui était la vie,

Et la vie était la lumière des hommes,

Et la lumière luit dans les ténèbres,

Et les ténèbres ne l'ont pas saisie.

(...)

Il était la lumière véritable,

Qui éclaire tout homme,

Venant dans le monde.

Il était dans le monde,

Et le monde fut par lui,

Et le monde ne l'a pas reconnu.

Il est venu chez lui,

Et les siens ne l'ont pas accueilli,

Il a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu,

À ceux qui croient en son nom,

Eux qui ne furent engendrés ni de sang,

Ni d'un vouloir de chair,

Ni d'un vouloir d'homme,

Mais de Dieu.

Alors, quand j'étais assis, immobilisé dans l'église tout en reconsidérant après des moult années ce merveilleux triptyque et écouta enfin les paroles de Pasteur Grebenstein évoquant la vie de mon père, la mort de celui me repassait à ma mémoire. Le temps maussade, la rue au Touquet, tous les événements. Tout ce que s'est passé dans cet après-midi me revint. Et, je fus enfin rassuré. Mon père ne mourût pas tout seul. Du moins, était-il entouré de sa famille. Accompagné des soins des gens qui accourussent à son secours. Là, dans l'église je revécusse sa mort. Quand même, la peur était partie. Les affres de la mort enlevées, l'horreur apaisée. Rassuré enfin par la parole de Dieu, je vis mon père bercé par des anges qui eût ramené son âme aux cieux. Non, mon père n'était pas seul. Les anges seraient venus aller chercher l'âme du mourant tel que l'on l'eût dépeint dans les images médiévales. J'ai ressenti leur présence. Ils nous accompagnent, ils nous protègent et raccompagneront nos âmes.

C'est enfin l'apocalypse qui nous dévoilera le réel de la vie. L'apocalypse nous ouvre l'horizon sous lequel elle nous fait révéler le réel de monde de sorte de nous éclaircir les choses telles qu'elles sont. Ainsi, nous aurons la connaissance du monde, de l'univers et enfin du Moi. En assumant la mort nous pourrons procéder à l'horizon infini où coïncideront tous les horizons des individus, les horizons de chacun d'où reluit cette appréhension qui nous rend capable de comprendre ce que nous entoure.

Puis je vis un ciel nouveau, une terre nouvelle – car le premier ciel et la première terre ont disparu, et de mer il n'y en a plus. Et, je vis la Cité sainte, Jérusalem nouvelle, qui descendit du ciel, de chez Dieu ; elle s'est fait belle, comme une jeune mariée parée pour son époux. J'entendis alors une voix clamer du trône : « Voici la demeure de Dieu avec les hommes. Il aura sa demeure avec eux ; ils seront son peuple, et lui, Dieu-avec-eux, sera leur Dieu. Il essuiera toute larme de leurs yeux : de mort, il n'y en aura plus. De pleur, de cri et de peine il n'y en aura plus, car l'ancien monde s'en est allé. » Alors, Celui qui siège sur le trône déclara : « Voici, je fais l'univers nouveau ! ».

© André & Frank Hagemann - Villa-Anemone.fr 2012