Remontrance à Monsieur de Théophile à Mon-
sieur de de Vertamont Conseiller
en la grand Chambre
Désormais que le renouveau
Fond la glace, et dessèche l’eau,
Qui rendait les prés inutiles
Et qu’en l’objet de leur plaisirs,
Les places des plus grandes villes,
Sont des prisons à nos désirs.
Que l’oiseau de qui les glaçons
Avaient enfermé les chansons,
Dans sa poitrine refroidie,
Trouve la clef de son gosier,
Et promène sa mélodie,
Sur le Myrte et le rosier.
Que l’abeille, après la rigueur,
Qui tient les ailes en langueur
Au fond de ses petites cruches,
S’en va continuer le miel,
Et quittant la prison des ruches,
N’a son vol borne que du ciel.
Que les zéphires s’épanchant
Parmi les entrailles des champs,
Lâchent ce que le froid enserre,
Que l’aurore avec se pleurs
Ouvre les cachots de la terre
Pour en faire sortir des fleurs.
Que le temps se rend si bénin,
Même aux serpents pleins de venin,
Dont notre sang est la pâture
Qu’en faveur de cette saison,
Et par arrêt de la nature,
Il est fait sortir de prison.
L’an a fait plus de la moitié
Que tous les jours votre pitié,
Me doit faire changer de place :
Ne me tenez plus suspens,
Et me fait au moins la grâce, Que le ciel fait à des serpents.
Cf. Les Œuvres de Sieur Théophile, Divisées en trois Parties, troisième Partie : Recueil de toutes les Pièces faites par Théophile pendant sa Prison jusqu’à sa Mort, Jean Michon, Lyon 1630, pp. 15 – 16
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